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jeudi 2 août 2012

Donations: la saison enchantée aux oubliettes!


Le gouvernement a prévu un durcissement du régime des donations successions : l'abattement passe de 159.325 euros à 100.000 euros, tous les quinze ans, contre dix jusque-là. Qui est concerné ? Comment le texte va-t-il s'appliquer ? Nos explications.

C'est l'un des points phare de la réforme fiscale voulue par la nouvelle majorité socialiste, et en cours d'adoption au Parlement. Les « droits de mutation à titre gratuit », autrement dit les règles encadrant les donations et les successions, sont durcies, même si certaines d'entre elles vont encore rester inchangées. Le détail de cette réforme en six questions.

Combien puis-je transmettre sans payer d'impôts ?

Jusqu'à présent, il était possible de transmettre à ses enfants en totale franchise d'impôt 159.325 euros tous les dix ans (voir ci-dessous). Cette somme s'entend pour chacun des deux parents, et pour chaque enfant. Par exemple, un couple avec deux enfants pourrait théoriquement donner jusqu'à 637.300 euros.
La réforme en cours d'adoption prévoit de réduire cette somme en franchise d'impôt à 100.000 euros. Dans le cas de notre couple et de ses deux enfants, le montant en franchise d'impôt ne sera plus « que » de 400.000 euros tous les quinze ans.

Quel délai respecter entre deux donations ?

Dans le régime actuel, il est possible de donner 159.325 euros tous les dix ans en ligne directe. « Cette donation peut avoir pour objet des titres mobiliers, de l'immobilier ou des liquidités dont le contribuable déclare la valeur vénale », explique Stéphane Jacquin directeur de l'ingénierie patrimoniale chez Lazard Frères Gestion.
L'abattement se « reconstitue » donc tous les dix ans, ce qui permet de réaliser une nouvelle opération « gratuite » à ce moment-là. Ce délai de dix ans est dit de « rappel fiscal ». Il vaut aussi pour les autres donations consenties à des membres plus éloignés de la famille (neveux, petit-fils...). Ce délai devrait à présent se porter à quinze ans, pour toutes les donations.
Ce même rappel fiscal de quinze ans devrait aussi s'appliquer aux dons d'argent consentis notamment au profit d'un enfant, d'un petit-enfant, ou d'un arrière-petit-enfant actuellement exonérés dans la limite de 31.865 euros tous les dix ans.

Qui est concerné par la réforme ?

-Concernant le montant de l'abattement, seules les donations des parents en faveur de leurs enfants sont concernées. Même si le point a été en discussion au Parlement, elle ne devrait pas être étendue aux autres donations prévues par la loi (dons aux petits enfants, neveux et nièces, personnes handicapées...).
Le nombre de contribuables réellement touchés est toutefois limité.Par définition (voir la question suivante), elle ne concernera que les personnes capables de transmettre au moins 100.000 euros à leurs enfants. Or, selon le projet de loi « seule la moitié des ménages dispose d'un patrimoine supérieur à 113.000 euros ».
« En revanche pour ce qui est du délai du rappel fiscal, l'ensemble des donations sont touchées », explique Stéphane Jacquin.

Combien faudra-t-il payer ?

La réforme ne change pas formellement le mécanisme de paiement, si ce n'est qu'il se déclenche plus rapidement. En effet, vous devez payer des droits de mutation sur la part du don qui dépasse le montant exonéré, selon le barème reproduit ci-dessous (valant uniquement pour les dons et successions en ligne directe).

Barème applicable pour un don ou une succession en ligne directe
Fraction de part nette taxable (1)Tarif applicable
N'excédant pas 8.072 euros5 %
Entre 8.072 euros et 12.109 euros10 %
Entre 12.109 euros et 15.932 euros15 %
Entre 15.932 euros et 552.324 euros20 %
Entre 552.324 euros et 902.838 euros30 %
Entre 902.838 euros et 1.805.677 euros40 %
Au-delà de 1.805.677 euros45 %

Source : Ministère de l'Economie et des Finances
Ce barème fait lui aussi l'objet d'une réforme, plus discrète. En 2007, la loi TEPA avait institué le principe d'une actualisation annuelle des barèmes des droits de mutation (comme ci-dessus) pour tenir compte de l'inflation. En pratique, les montants devaient être actualisés chaque 1er janvier selon un calcul prenant en compte l'actualisation du barème de l'impôt sur le revenu. Mais la majorité précédente a elle-même gelé le barème de l'impôt sur le revenu, et donc, de façon indirecte, celui des donations et successions.
La réforme en cours d'adoption vise à « supprimer le principe de l'actualisation annuelle des barèmes, abattements et seuils d'exonération ». Autrement dit, rendre permanent un gel qui n'était encore que temporaire. Avec l'abaissement à 100.000 euros du montant en franchise d'impôt et de l'allongement à quinze ans du délai pour recharger l'avantage fiscal, ce gel du barème vient lui aussi durcir le régime des donations : en effet, compte-tenu de l'inflation (et de l'érosion monétaire), les contribuables concernés glisseront sans doute plus facilement dans les tranches supérieures du barème.

Y aura-t-il des exceptions ?

La réduction de l'abattement à 100.000 euros ne concerne que les donations en ligne directe. A noter qu'en cas décès du conjoint ou du partenaire lié par un PACS, le survivant est actuellement entièrement exonéré sur la succession. La réforme ne remet pas cela en cause.

Le « lissage » abandonné
L'an dernier, le majorité précédente avait déjà rallongé le délai de « rappel fiscal » de six à dix ans. Pour ne pas trop pénaliser les donations consenties entre six et dix ans avant l'entrée de ces règles, un mécanisme de lissage avait été instauré. Il s'agissait d'un abattement progressif, en fonction de l'ancienneté de la donation entre la sixième et la dixième année (valable pour les donations passées dans les dix années précédant le 31 juillet 2011). Dans son projet de loi, le gouvernement supprime simplement ce dispositif.

Quand la réforme entre-t-elle en vigueur ?

Selon le projet de Bercy, les nouvelles règles s'appliquent à toutes les successions ouvertes et les donations effectuées à compter de la publication de la loi.
Mais le texte pourrait aussi avoir un effet rétroactif. En effet le délai entre deux donations exonérées a été ramené de dix à quinze ans. Imaginons que vous ayez fait un don il y a onze ans. Avant la réforme, vous auriez pu réaliser directement un nouveau don en franchise d'impôt. Mais avec le nouveau délai mis en place, il vous faudra encore attendre quatre ans pour remettre les compteurs à zéro.

Écrit par Edouard LEDERER
Journaliste Finances persos
 Les Echos le 31 juillet 2012

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