Désormais assimilés à des loisirs, les soins dispensés par les spas font de plus en plus d'adeptes. Au point de devenir un marché florissant.
Près de 100 millions d'individus fréquentent activement les spas à travers le monde. Avec des croissances de l'ordre de 30 %, jamais la « sanitas per aquam », inscrite au fronton des termes romains, n'a réuni autant d'adeptes depuis l'Antiquité. « C'est une pratique qui s'inscrit très profondément dans notre millénaire, car elle permet d'harmoniser le corps et l'esprit », estime Isabelle Charrier, conseil pour la profession et rédactrice en chef de « Emotion Spa », un magazine spécialisé.
Dévoilée ce matin au Salon Beyond Beauty, qui a lieu ces jours-ci à Paris, la première étude sur les clients des spas à travers le monde menée par l'Association internationale du Spa (Ispa) et Itec France, organisateur du salon, place le besoin de détente et la nécessité d'évacuer le stress au premier rang des motivations.
Dévoilée ce matin au Salon Beyond Beauty, qui a lieu ces jours-ci à Paris, la première étude sur les clients des spas à travers le monde menée par l'Association internationale du Spa (Ispa) et Itec France, organisateur du salon, place le besoin de détente et la nécessité d'évacuer le stress au premier rang des motivations.
Engouement des hommes
Un besoin qui transcende les frontières : 58 % des Européens et deux tiers des Américains fréquentent des spas. Un chiffre un peu biaisé. Car avec l'engouement pour ce terme, le moindre endroit qui réunit un sauna ou hammam en libre-service se nomme ainsi. Difficile donc d'évaluer économiquement l'usage de nouveaux centres apparus ces dernières années, plus sophistiqués, et dont l'offre de massages s'est considérablement étoffée. « Mais aujourd'hui, le consommateur n'est plus dupe. Il est beaucoup plus éduqué et, de fait, plus exigeant qu'il y a cinq ans », relève Isabelle Charrier. Pour preuve, 45 % de la demande concernent les soins du corps, contre seulement 8 % il y a dix ans. Une évolution qui trouve son explication dans l'engouement des hommes pour les massages. Leur proportion a doublé en dix ans, pour dépasser les 30 %. « Ce sont eux qui ont permis un renouvellement de l'offre de soins et fait exploser les taux de fréquentation des établissements », poursuit la spécialiste. Car, distinction de taille, les hommes privilégient les massages, et apprécient particulièrement les soins dits « profonds », c'est-à-dire plus énergétiques et musculaires, comme les massages suédois ou le shiatsu, quand les femmes préfèrent, elles, des soins qui améliorent leur apparence, avec une prédilection pour le visage, les mains ou les pieds. Les hommes sont aussi très fidèles : « Ils bloquent leurs rendez-vous dans leur agenda et viennent régulièrement », raconte Isabelle Nordmann, dirigeante du spa genevois After the Rain.
Devenus des lieux branchés, les spas accueillent des individus de plus en plus jeunes, contrairement à leur aînée, la thalassothérapie. La moyenne d'âge est ainsi passée de 50-55 ans il y a dix ans à 35-40 ans aujourd'hui. Pour l'heure, sa pratique est encore très liée aux voyages d'affaires ou de tourisme. Les hommes sont ainsi les premiers à fréquenter un spa lors de leurs déplacements professionnels. Mais 93 % des Européens choisissent aussi leur lieu de vacances en fonction de la présence d'un centre. Même s'ils ne sont que 23 % à l'utiliser une fois là-bas. Un peu comme la piscine il y a vingt ans. C'est d'ailleurs souvent en congé qu'a lieu la première expérience. Ensuite, les plus accros planifient leur destination en fonction de la technique de massage recherchée. Un comportement qui a porté le succès du spa Ananda aux sources du Gange, réputé mondialement pour ses soins ayurvédiques.
Dans les grands hôtels
Du coup, les marques de beauté se ruent dans les grands hôtels pour créer un spa à leur nom avec leurs produits. Ceux-ci seront consommés en exclusivité pendant une semaine avec leur cible privilégiée. « Et même si ces produits assurent seulement 7 % à 10 % de leur chiffre d'affaires, leur utilisation assure 80 % d'envie de consommer au client une fois chez lui », souligne Isabelle Charrier. Témoins Guerlain, qui a ouvert un spa à l'Hôtel du Palais, à Biarritz, ou Givenchy, au Mirador Kempinski, sur le lac de Genève, et y ont adapté leurs produits.
La pratique en ville ou à la journée est, elle aussi, en plein développement. Les « day spas » ou « spas urbains », fleurissent dans les capitales. A Paris, on en compte déjà une petite dizaine. « Nos soins sont calqués sur les horaires de travail. Les clients viennent y chercher un moment de détente dans un agenda surchargé », témoigne Joëlle Guillemot, fondatrice et dirigeante d'Omnisens à Bercy Village. Ce spa de 600 m2 est conçu avec des petites cabines disséminées comme en pleine nature et pourvu d'espaces de lecture ou de restauration sur le pouce. Il dispense environ 1.400 soins par mois, des massages pour les deux tiers, et développe aussi une clientèle de séminaires d'entreprise. Un programme « bien-être au travail » sera aussi l'événement phare de la semaine du Spa-ING, qui aura lieu à Paris du 10 au 18 novembre prochain pour développer la pratique du « day spa ». Certains hôtels de province se saisissent eux aussi du phénomène. Le Grand Hôtel de Saint-Jean-de-Luz a ainsi trouvé dans le spa le moyen de rester ouvert toute l'année. Nouveau depuis mars dernier, le « Loréamar » n'est pas seulement réservé aux clients de l'hôtel, mais propose ses prestations aux habitants ou touristes de la région, une clientèle extérieure qui lui assure, selon les saisons, 60 % de son chiffre d'affaires.
L'offre s'individualise
Sous la pression d'une clientèle jeune, exigeante et aisée, le marché est donc en train de revoir sa copie. « Le consommateur spa est infidèle, car il cherche à être surpris, à renouveler constamment une expérience, et est facilement déçu. Il veut du sur-mesure. Comme il va à la rencontre de lui-même, il cherche à découvrir des soins en phase avec lui », explique Isabelle Charrier. Le défi ? Flatter ses cinq sens. Sothys, pour sa marque « Secrets », a fait intervenir un psychologue pour détecter les phases de contentement sur le visage de ses clients et adapter ses produits en conséquence. L'agence Set and See crée des musiques spécifiques et sur mesure pour rythmer les soins. Les marques de produits de beauté travaillent des textures dites « transformantes », c'est-à-dire qui évoluent sous la pression du massage. « On assiste sous l'effet du spa à une théâtralisation de la cosmétique », note Isabelle Charrier. L'offre s'individualise jusqu'à proposer parfois une carte différente chaque matin avec des ingrédients frais. Au spa urbain genevois, After the Rain, douze recettes de gommage composées d'ingrédients frais sont proposées chaque matin et faites à la minute. Exemples : noix de coco râpée ou café moulu avec du sucre brun bio et des huiles essentielles. Avec leur créativité débordante, l'aura des spas commence d'ailleurs à ternir considérablement celle des instituts de beauté, obligeant certains à fermer leurs portes.
Toute une cohorte de nouveaux entrants se bousculent aussi aux portes du spa, à commencer par les hôtels, bien sûr, mais également les boutiques, ou des chaînes comme Cocoon's, avec dix centres en France. Le grand magasin londonien Harvey Nichols en a ouvert un cette année, et le Printemps Haussmann, en plein remaniement de son étage beauté, en aurait un en projet. La marque de vêtements Anne Fontaine vient d'ouvrir le sien au sous-sol d'une de ses boutiques parisiennes, sur 500 m2. Il est signé Andrée Putman. « Le spa est devenu un enjeu économique. On ne mesure d'ailleurs pas son taux de saturation en Europe », souligne Isabelle Charrier. Et pour cause : ses tarifs élevés (en moyenne 80 euros l'heure de massage) et l'engouement des consommateurs (73 % sont prêts à dépenser leur argent dans un spa et 35 % trouvent le prix justifié) en font un nouvel eldorado. Il est désormais au corps ce que le psy est à l'esprit.
Source : SOPHIE PÉTERS, LES ECHOS
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